A la Réunion, tout le monde le dit "lélà la dodo", mais ici à la métropole et en Novembre, la question qui brule les lèvres de tous les buveurs est plutôt "lélà l'bojo? Et lébon l'bojo ?"
Dans tous les cas, on sait comment ça se termine, façon René Fallet : "patron, à boire, qu'on nage le crawl dans le jaja !"
La polémique du Bojolpif nouveau
Le Beaujolais fait la une (bon, peut etre la deux) de tous les gros médias dès le début Novembre. Leurs questions habituelles tournent d’abord autour de son goût : va-t-il être « banane », « framboise » ou « cassis » (faut bien être con pour acheter du pinard en se disant qu’il va avoir un gout de banane, dans ce cas là pourquoi ne pas tout simplement acheter un jus de banane ?) ? Combien les japonais vont-ils en acheter : 1 ou 2 avions cargos (autrement dit, on espère qu’à la dernière tournée à Tokyo, les buveurs ne soient pas tous morts ou remplacés par une nouvelle génération d’alcooliques pour qu’on leur refourgue un max de piquette à grosse marge). En bref, ça parle gros sous et consommation de masse, c'est pas vraiment un argumentaire qui fait chanter le produit !
Durant l’année, pour justifier la baisse des ventes, on nous ressort de sombres histoires de vignerons malintentionnés (ou plutôt de simples industriels dans le vinaigre) qui ont acheté un peu trop de sucre à l’épicerie du coin pour faire des gâteaux entre Octobre et Novembre (bah oui, la saison des prunes est passée et maman veut faire du tri dans les conserves sur les étagères alors faut évacuer tout ça dans des tartes). Ils seront traduits en justice pour leurs méfaits (le trop de chaptalisation) et, à mon humble avis, le juste châtiment serait de leur faire boire leur propre production, façon l’aile ou la cuisse, jusqu’à la cécité au moins partielle.
Alors que doit-on penser du Bojojo : piquette marketing ou digne représentant des vins de France ? Il faut bien avouer que jusqu’il y a peu, je me considérais au dessus de la mêlée en affichant un dédain marqué face à cette institutionnalisation de la biture du 3° jeudi du mois. C’est bien vrai, pourquoi devrait-on attendre cette date fatidique pour s’en mettre une bonne dans le cornet et pourquoi doit on nous dicter ce qu’on doit boire. Quand je vais au bar, c’est moi qui commande, pas le taulier qui me sert une pinte avant que je n’ouvre le bec. Enfin, parfois ça arrive mais c’est quand je suis assez connu comme pilier (je vous raconte pas comment je fais le fier dans ce genre de cas ;-) ). Mais il y a quelques années de ça, j’ai l’impression d’avoir vu la lumière en goutant de belles choses, ça doit être la sortie de la crise d’adolescence. Finalement il y a aussi du bon du coté de Villefranche sur Saône au bout de 3 mois.
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Du Beaujolais nouveau, oui mais du bon s'il vous plait
Premier élément de réponse : distinguons s’il vous plait « Les Beaujolais » du « Beaujolais nouveau ». Les premiers peuvent être de beaux vins, généralement travaillés et élevés dans les mêmes conditions que dans les autres régions. Certains crus (12 au total) donnent des breuvages tout à fait dignes de figurer sur une belle table et ce qu’ils proposent en bouche pourrait surprendre tout amateur de bordeaux voire même de Madiran au palais robuste. Le problème, c’est de passer le pas en allant acheter une tanche de Beaujol à 15 € en provenance des beaux domaines (ben oui, dans l’inconscient collectif le Beaujol c’est de la daube donc c’est pas cher mais on l’achète en connaissance de cause sans se faire mal au larfeuil). Ces bouteilles souffrent donc d’un déficit d’image manifeste et scandaleux (aux armes !). Les seconds ne sont « que » des primeurs de l’appellation « villages » (autrement dit, en dehors des crus), le jus à peine fermenté de la récolte faite 2 mois auparavant.
La démarche scientifique de tout amateur de vin devrait le conduire à s’essayer sur les terres du Beaujolais. Même s’il est rempli de préjugés sur la région (avant d’être rempli de rougeaud), notre amateur peu éclairé ne pourra que reconnaitre la qualité de certaines des productions. Bien entendu, tout n’est pas bon à prendre mais c’est aussi valable pour les autres AOC où le wine-picking (équivalent du stock-picking mais transposé dans le monde du pinard) est essentiel pour assurer la survie de son foie et de son palais (cette dernière affirmation n’étant pas valable pour les ardéchois et les bretons qui disposent d’enzymes de digestion d’alcool aussi efficaces que de la kryptonite en barre).
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2009, nouveau millésime du siècle ?
Dans les primeurs comme ailleurs, il n’y a pas de miracles, d’ailleurs je crois qu’il n’y en aura jamais. Si le gars aux commandes fait un mauvais jus d’une façon générale, le primeur sera à jeter dans l’évier directement (à la rigueur dans le vinaigrier mais tant qu’à faire autant ne pas en acheter) et ce quel que soit le millésime.
Toutefois, en cette année 2009, la région du Beaujol a bénéficié de conditions climatiques exceptionnelles en termes d’ensoleillement en Aout/Septembre. Et qu’est ce que ça veut bien pouvoir dire ? Tout simple : le travail du vigneron pour produire son jus sera simplifié et il aura moins recours à des subterfuges pour essayer de produire un vin de qualité. Alors, mes bons amis, jetons nous sur les primeurs 2009 mais pensez à provisionner deux trois sous (dites à vot’ femme que c’est pour payer les études d’œnologie de la petite dernière) pour remplir la cave lorsque les grosses cuvées seront sur le marché.
Petite sélection pour se mettre minable en beauté
Nous vous proposons donc une sélection de domaines qui font bien les choses à la fois dans leurs cuvées traditionnelles et dans leurs primeurs. Pour tout amateur qui se respecte, cette liste ne présente aucune nouveauté... Tous ces vins peuvent se boire dans différentes circonstances qui de toutes façons finiront bien de la même manière, à savoir sous la table… On peut les déguster juste pour le plaisir, à jeun (mais pas longtemps), à l’apéro avec de la charcuterie, de bonnes rillettes par exemple où l’acidité relève bien le défi du gras de cochon, ou encore en accompagnement d’un bon petit plat d’hiver type pot au feu. Quel régal !
Jean Paul Brun – 7,5 € chez les bons cavistes
Parmi les primeurs de cette sélection, c’est celui qui va tendre le plus vers la "typicité" du Beaujolais. A la façon d'un Brouilly un peu jeune (et pourtant certaines des vignes ont 80 ans d'âge), il est le plus explosif et au nez et en bouche mais est aussi à la limite de l’évanescence. Si tôt la gourmandise liquide avalée, une belle sensation de fraicheur composée de fruits rouges et noirs, aussitôt presque partie. Ne reste plus qu’à remonter le verre à ses lèvres goulues et à finir la bouteille en chantant.
Jean Foillard – 8,5 € chez tous les bons cavistes
Ah quand on passe chez Foillard, on attaque là un des papes du bon vin. Ses meilleures cuvées étant situées sur les coteaux de Morgon, notamment le côte de Py et encore mieux le côte de Py 3.14 (celui là en 2009, va pas falloir l’oublier). Evidemment son primeur est à la hauteur de sa réputation. Bien que sa robe soit nettement plus claire que celle du Brun cité supra, le nez respire plus le vin que le simple jus de fruits fermenté. En bouche, de même, on retrouve un vin plus structuré mais présentant aussi nettement plus de finesse et de longueur. Perso, j’adore.
Jean Claude Lapalu – 8€ chez les excellents cavistes
Le Lapalu se tire gravement la bourre avec le Foillard. Il joue, lui aussi, nettement plus sur le domaine du beau vin léger que sur celui du vin de soif qu’on oublie aussitôt avalé. Très bon choix !
Marcel Lapierre – snif, j’en ai pas trouvé cette année mais j’aurais bien aimé. Même chez Augé ils n’en avaient pas. Tu fais quoi Marcel ? On me dit que tout est parti au Japon...
Et bien d’autres encore (Burgaud, Jambon)
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